Rencontre du troisième type, avec une... Vitrine. [Jad Kyotsuke.]

Voilà, une journée au dehors commençait. Le dehors, un monde merveilleux dans lequel Rivers aurait pu passer plusieurs heures sans se fatiguer. Mais c'était très fatiguant, surtout pour ses nerfs. Si elle avait eu une once de mémoire, elle aurait volontiers fait une étude du comportement "normal" mais elle ne retenait rien. Même pas le fait qu'elle savait qu'il ne fallait pas qu'elle sorte. Ce n'était pas une très bonne idée. Loin de là, même. Elle l'avait su, mais... Quand on est folle, on ne doit pas traîner en ville. C'est mauvais pour sa vie. Mais bien sûr, Rivers était trop dingue pour le savoir. Elle n'était pas foutue de comprendre ce que c'était que cette paroi lisse, dure mais transparente qui laissait voir l'intérieur du magasin. Oui, une vitrine, une simple vitrine. Et ça faisait presque trois heures qu'elle s'extasiait devant. Au départ, les vendeuses croyaient à du lèche - vitrine vraiment très... Intense, mais au bout d'une heure, à voir l'éventuelle future cliente tripoter le verre, elles avaient voulu lui demander si elle avait besoin d'un service... Les pauvres femmes étaient revenues ensanglantées dans la boutique. Elles avaient filé se réfugier derrière leur bureau. Les clientes ne voulaient pas non plus sortir, et celles qui avaient voulu rentrer n'avaient pas osé. Ce monstre terrorisait tout le monde. Ce ne fut que lorsqu'elle fut lassée de regarder le verre qu'elle s'en alla lentement.

"Pitoyables humains..."

Elle croisa un miroir, qui ne la passionna pas du tout, pourtant la surface lisse et réffléchissante aurait du la ravir. Elle tomba ensuite sur une porte coulissante qui s'ouvrit, à son passage et émit un petit "ding dong". Là, c'en fut trop, elle devint dingue. Elle massacra exactement cinq hommes, trois femmes, deux enfants, dont on ne pouvait plus identifier le sexe, et un nourisson. Elle commença par un homme, qu'elle décapita d'un geste sec, sa femme, qu'elle éventra et dont elle dévora les entrailles. Puis, ce fut au tour d'une enfant qui regardait les chaussures dans une vitrine. Elle lui arracha la tête d'un seul geste. Puis, un autre enfant, qu'elle vida de son sang, sa mère, et trois passants. Elle se calma presque instantanément et reprit sa route comme si de rien était. En fait, elle avait déjà complètement oublié.

"Pitoyables humains."

Elle se dirigea vers une bijouterie, dans laquelle elle pénétra uniquement pour tuer le patron et faire demi tour. Tuer, la seule ligne de code qu'il lui restait, c'était à ça qu'elle obéissait. Et puis, en sortant, elle percuta quelqu'un. son envie de tuer étant assouvie, elle ne fit rien que se relever en s'époussetant et regarder l'autre de son regard vide.

Du bruit, du monde, des choses rouges qui clignotaient, faisaient de la lumière, l'éblouissaient un peu. De choses à plusieurs roues qui s'arrêtaient près d'elle. Des armes. Des menaces. Un flic suppliant. Tout ce passait très vite, et rivers était complètement perdue. Dans un coin de sa tête, elle se jurait qu'elle n'oublierait plus que le monde extérieur n'était pas pour elle. Elle ne l'oublierait plus. Mais dès l'instant où elle y songea, elle l'oublia. En fait, l'homme devant elle aurait été simple à tuer. Même sans utiliser son don, elle aurait eu le temps de la décapiter trois fois avant qu'il ne tire un coup de feu. Ca, elle le savait, c'était inscrit en elle. Au plus profond de son être. Et si elle utilisait son don, elle pouvait manipuler l'homme pour qu'il utilise ce que la jeune fille aurait qualifié de "lance - pierre automatique à pierres d'acier" (en gros : un flingue) pour tuer ses camarades avant. Mais quelque chose, avec des cheveux, oh ça oui, était intervenu. D'une force incroyable, il avait tué l'assaillant de Rivers et même arraché son coeur. Ce qui lui vallut, pendant une fraction de seconde d'avoir des étoiles dans les yeux. Elle aurait pu penser "ouaaaah, qu'il est fort" mais elle s'en foutait complètement de cet homme. Et puis, pour éviter qu'ils ne se fassent canarder, le même homme lui prit la main. Ils grimpèrent sur le toit et il jeta le coeur.

"Bête."

Un seul message qui retentit dans son esprit. Elle n'avait pas voulu l'envoyer loin, mais juste assez pour que l'autre l'entende... Enfin, l'entende : "le perçoive". Rivers, depuis l'Impulsion ne pensait plus qu'à une chose tuer. Mais elle avait aussi perdu le contrôle de la parole et ne communiquait plus qu'en envoyant directement ses messages dans l'esprit des autres. Des fois, elle visait l'esprit d'une personne en particulier, parfois elle l'envoyait à une certaine distance d'elle et tout ce qui se trouvait dans ce rayon ressentait ce qu'elle voulait dire. Là, en l'occurence, elle l'avait envoyé juste assez loin pour qu'il le perçoive, mal en mauvaise qualité. Comme si elle avait murmuré dans la tête du roi démon, en fait. Il lui demanda son nom. Ca, elle le comprit. Elle avait oublié certains termes, mais les mots simples elle les comprennait encore. Bon, si il se mettait à lui parler tactique militaire, elle le décapiterait, mais... Ca, pas de problème.

"Avant Rivers... Longtemps."

Directement dans son esprit. Pas la peine que tout le quartier sache ce dont elle parlait... Elle le regarda de ses yeux vides, se recoiffa d'un geste bref, mais qui témoignait de sa vie passée et ne fit pas attention au sang qu'elle étalait sur ses cheveux. Rouge sur rouge...

"... Tuer... Seule...? Vous?"

Tuer POUR lui? Mais qu'est - ce que ça signifiait déjà? Elle avait déjà eu une vague idée de cette notion, mais alors quand... Peut - être quand elle était arrivée sur l'île... Oh et puis qu'elle importance? Elle n'était pas du genre à obéir comme un petit chien - chien. Non pas qu'elle soit contre : elle ne savait pas obéir. Elle aurait bien voulu... Mais elle oubliait en cours de route qu'elle avait quelque chose à faire d'une certaine manière. D'ailleurs, que faisait - elle là? Et qu'est - ce qu'il lui voulait, lui, déjà? Ah, oui, tuer. Mais qui? Pourquoi?

Il ne se rendait peut - être pas compte mais ce qu'il faisait faire à la gamine était encore plus douloureux - psychologiquement parlant - que s'il avait massacré sa famille sous ses yeux. Barf, elle n'en avait plus de famille. Elle le regarda, toujours aussi indifférement, même si une étincelle de lucidité (profitez - en mesdames, messieurs, c'est rarissime) brillait au plus profond de ses yeux. Elle avait beau perdre son temps avec un type qui parlait une langue inconnue, c'était toujours mieux que de regarder ces Humains en train d'essayer de l'impressionner avec des objets qu'elle pourrait utiliser contre eux. Et puis il rajouta qu'il voulait l'avoir près d'elle... Là où n'importe quelle gamine aurait eu des yeux gros comme des balles de tennis et de la bave au coin de la bouche (sisi j'vous jure, ça arrive!), elle ne lui lança qu'un vague regard morne.

"Tuer sur demande..."

Elle laissa un blanc de plusieurs secondes.

"Pratiquement impossible."

Elle lui aurait bien soufflé qu'elle avait un problème, mais elle oublia ce détail, elle lui aurait bien expliqué qu'il aurait fallu lui apprendre, mais ça aussi elle le passa sous silence. Personne ne pourrait lui apprendre quoi que ce soit. Elle ne retenait rien... Pourtant elle aurait voulu, avant d'oublier qu'elle aurait voulu. Pourtant, elle ne laissa aucune porte de sortie. Il lui répondrait ce qu'il voudrait, mais elle était franche. Autant lui dire tout toute de suite, peut - être qu'il se tairait et qu'elle pourrait reposer ses neurones en surchauffe. Pour le moment, son cerveau n'affichait plus le célèbre message erreur - qui tient presque de l'auto destruction - mais un autre message d'erreur qui lui, dirait plus : Système en surchauffe, attention. Elle fit quelques pas vers le rebord du bâtiment et regarda en bas. Les flics y étaient toujours. Ils n'osaient ni tirer ni essayer d'aller les attraper. Un démon seul, faut pas le titiller, mais alors "un couple"... Ils savaient que s'ils essayaient quoi que ce soit, ils mourraient. Et que si par miracle ils arrivaient à en toucher un, l'autre les terminerait en moins d'une demi seconde. Une demi seconde, juste assez pour souffrir physiquement et moralement. Se rendre compte qu'on t'arrache le coeur, et que ta femme enceinte n'aura jamais de mari, qu'elle se suicidera et que ta lignée s'arrêtera là. Une demi seconde. Le temps qu'il faut à des terroristes pour anéantir le peu de neurones des humains (et des démons!) du monde entier...

"Pitoyables humains."

Elle regarda l'onde de pensée se propager lentement, en une seule ligne droite. Elle vit certains humains tomber à genoux en se tenant la tête, d'autres simplement faire un bond de soixante - douze centimètres (sans élan)... Elle eut un petit sourire maigrelet sur les lèvres quand elle en vit un avec du sang qui coulait le long de ses joues et qui avait jailli de ses oreilles. Elle tourna la tête vers Jad avec son petit sourire, et elle le laissa mourir sur ses lèvres.

"Pourquoi... m'aider?"

"Vous?"

Baissant la tête pour faire tomber la grosse main de l'homme, elle prit une grande inspiration. Si elle acceptait, elle allait certainement tuer tout le monde et se faire massacrer. Et si elle refusait, elle risquait de se faire étriper sur le toit. Elle le considérait d'un oeil vide mais intéressé. Elle fit quelques pas et s'assit sur un conduit de cheminée. Elle soupira lentement. Elle n'avait pas le choix, mais elle voulait quand même le mettre en... Le quoi déjà? Rha, comme c'était agaçant de ne pas se souvenir. Elle tenta alors le tout pour le tout.

"Si vous... occuper de moi, je ferais ce que vous voulez..."

Elle le regarda. Pourquoi ne le tuait - elle pas? Il ne s'y attendait pas, elle avait une chance en lui sautant à la gorge. Ou alors en le manipulant, elle pourrait le faire se suicider et bouffer sa chair... Elle chassa cette vilaine idée de sa tête. Elle n'avait aucune chance. Elle regarda ses pieds et essuya un peu de sang qu'elle avait sur les chaussures. Elle était couverte de sang et aurait volontiers pris une douche et changé de vêtements. Mais elle n'avait pas d'autres fringues. Enfin, elle ne croyait pas en avoir d'autres.

"Vous êtes qui?"

Il devait être riche pour vouloir l'engager. Il devait être puissant pour tuer comme ça et prendre des risques pour une adolescente. Il devait avoir un sacré orgueil, mais Rivers ne savait pas ce que c'était. Elle en avait entendu parler, un jour. Mais ça faisait partie des mots qu'elle avait retenu, mais dont elle ne connaissait pas le sens. Elle le regarda de nouveau. Il y eut une bourrasque d'air frais. Le sang qui lui couvrait le corps se mit à secher. Pas grave. Elle lui balança un sourire.

"Donc vous êtes important."

Chef des démons... Il était donc important et respecté. Voilà pourquoi l'homme qui la tenait en joue n'avait pas eu le temps d'intervenir. elle le regarda et il finit par lui proposer de faire du lèche - vitrine. Elle se leva, acquiesca d'un simple geste de la tête. Elle avait un peu mal à la tête. elle n'avait pas l'habitude de tant parler. Et puis elle avait faim. Mais bon. Elle le regarda, un peu honteuse. Elle n'avait pas l'habitude d'avoir un chef. Elle essaya de se souvenir de quelque chose, mais elle ne savait pas encore ce dont il s'agissait. Elle finit par retrouver et lui tendre une petite main couverte de sang. Elle lui fit un sourire qui se voulait accueillant et qui voulait dire : "enchantée." Mais au fond, elle pensait : "Et, vous êtes qui déjà?" Elle fit ensuite quelques pas vers le rebord.

"Où va - t - on?... Chef..."

Elle ne savait pas vraiment où aller. Elle ignorait même l'utilité de ces choses, derrière les parois en verre transparent. Mais pourtant, elle sentait bien qu'elle devait donner une Impulsion. Cette pensée la fit rire une demi seconde. C'était un petit rire nerveux, presque désagréable. Elle se moquait éperdument de l'effet que ça produirait sur son nouveau... Il était quoi déjà? Directeur d'une école, non? Non... Enfin, mais ce rire en disait vraiment très long sur son état psychologique. Trop, peut - être. Elle tourna la tête vers la rue pour changer de sujet. Et non, elle n'était ni bavarde, ni causante et elle ne savait plus utiliser ses cordes vocales. Elle se pencha vers le rebord et attrapa deux petites barres métaliques. elle ne lança qu'un regard à Jad avant de sauter dans le vide. Ses doigts crochetèrent le métal à la dernière seconde et son petit corps se rabattit doucement contre la paroi. Ses pieds touchèrent les barreaux de l'échelle et elle descendit d'un pas rapide et assuré. Celui qu'ont ceux qui savent qu'il ne peut rien leur arriver. Elle arriva au bout de l'échelle et s'apperçut qu'il restait deux mètres entre le sol et elle. Elle se laissa alors tomber et se réceptionna calmement. Ses jambes faillirent flancher, mais elle parvint à rester droite, et debout. Elle attendit quelques instants que son compagnon arrive et elle lui lança un faible sourire.

"Et... Euh... Vous êtes qui déjà?"

Ca allait être lourd, mais elle allait mettre un moment à retenir le nom et le statut de son patron. Elle savait qu'il était plus fort qu'elle, et qu'elle s'était engagée de quelque chose envers lui. Mais elle n'était pas fichue de retenir qui il était, pourquoi elle s'était engagée, et de quoi elle devait s'occuper. Malheureusement pour elle, Rivers sentait qu'elle allait l'éxaspérer rapidement, ce fut probablement pour ça qu'elle n'osa pas tout lui redemander encore. Elle se gratta une croute de sang, qu'elle prit entre ses doigts pour la regarder dans la lumière des lampadaires. Ce sang, ce n'était pas le sien, mais pourquoi en était - elle couverte? Encore un massacre, probablement. Elle regarda les noms au dessus des boutiques et pensa tout haut, à l'attention de personne en particulier.

"Bijoux, vêtements, nourriture..."

Elle avait affreusement besoin d'habits, mais en même temps, elle serait bien allée boire un café. En fait, au fond, elle comptait bien sur Jad pour qu'il choisisse à sa place. Peut - être qu'il avait quelque chose à s'acheter, vu qu'il trainouillait dans la rue commerçante. Elle lui lança encore un regard, cette fois engageant, limite suppliant. elle n'était pas faite pour ce monde - elle n'était plus faite pour ce monde, en tout cas - alors si il voulait vraiment louer ses ervices, il allait ramer sérieusement.